Zendegi, de Greg Egan
Après la lecture de Nexus et Zone de guerre , continuons sur le thème de la manipulation du cerveau humain avec Zendegi, de Greg Egan.
Greg Egan est un romancier australien né en 1961, et informaticien de formation. Comme Stephen Baxter, il est spécialiste de la « hard SF » , une branche de la science-fiction qui s’appuie sur des découvertes réelles pour rendre le récit plausible. D’un naturel discret, Greg Egan ne laisse filtrer que peu d’informations sur lui. Ses romans les plus connus explorent le monde de l’infiniment petit (Isolation, 1992), de l’infiniment grand (L’Enigme de l’Univers, 1995) ou les mondes virtuels (La Cité des permutants, 1994).
Zendegi démarre en 2012, en Iran, où le journaliste australien Martin Seymour vient d’être muté. Il doit couvrir des élections dont les candidats opposés au régime ont été bannis. Furieuse, la population exige et obtient la tenue d’un scrutin réellement démocratique, mettant fin au régime des mollahs.
Au même moment, aux Etats-Unis, une scientifique iranienne exilée, Nasim Golestani, commence à travailler sur un projet appellé PCH (Projet Connectome Humain). Il s’agit, à terme, de cartographier les neurones du cerveau humain afin d’en réaliser une simulation informatique. Malheureusement, le Congrès des Etats-Unis stoppe le financement de ses recherches. Déçue, elle repart en Iran dès la chute du régime.
L’histoire fait ensuite un bond en 2027. L’Iran est désormais une démocratie. Nasim a créé Zendegi-ye-Behtar (« une meilleur vie » en Persan), un jeu basé sur un monde virtuel et accessible dans plusieurs pays du monde. Elle décide reprendre les recherches sur le PCH afin de s’en servir pour créer des bots, c’est-à-dire des humains simulés qui peuplent Zendegi et avec lesquels les joueurs peuvent interagir.
Elle réussit notamment à scanner le cerveau d’Ashkan Azimi, un footballer connu, et en créer un double virtuel, Virtual Azimi, que les fans peuvent affronter à l’intérieur du jeu. Mais cela déclenche la colère des religieux, encore puissants, qui y voient une tentative de devenir l’égal de Dieu.
De son côté, Martin s’est installé définitivement dans le pays, et a épousé Mahnoosh, une militante politique dont il a eu un fils, Javeed, lequel est fan de Zendegi. Malheureusement, Mahnoosh se tue dans un accident de la route, et Martin apprend peu après qu’il souffre lui-même d’un cancer en phase terminale.
Brisé à l’idée de laisser son fils orphelin, il contacte alors Nasim, dont Mahnoosh était la cousine, et lui fait une demande étonnante : créer un double virtuel de lui-même, qui sera placé dans le jeu et avec lequel son fils pourra communiquer après sa mort.
Zendegi est un roman original car se déroulant en Iran, un pays inhabituel dans les histoires de SF. Commencé en 2008 et publié en 2010, il s’inspire sans doute de l’élection présidentielle contestée de 2009 où les réseaux sociaux, et notamment Twitter, ont joué un rôle clé.
Le contexte local est finement décrit, Greg Egan s’étant rendu sur place pour préparer son roman. La première partie du livre est, en toile de fond, une véritable enquête journalistique sur la naissance d’une révolution. Les nombreux mots en farsi et la culture persane, particulièrement documentée, contribuent au réalisme de l’histoire.
Tout cela redonne ainsi de l’intérêt à un thème classique, celui du monde virtuel. Zendegi, la simulation, est une sorte de Second Life à la puissance mille, dans lequel les utilisateurs évoluent en 3D et peuvent interagir visuellement, verbalement et même par le toucher grâce à des gants à retour haptique. Le réalisme est tel que l’utilisateur a du mal à distinguer un autre humain connecté d’un bot.
On trouve ici beaucoup de points communs avec Simulacron 3 (1963) de Daniel F. Galouye, et le film qui en a été tiré, Passé Virtuel (1999). Et bien sûr avec la célèbre trilogie Matrix, dans lequel certains personnages sont des humains connectés, et d’autres des programmes qui n’existent que dans la simulation.
Mais Greg Egan va plus loin et, prenant pour prétexte l’amour d’un père pour son fils, pose des questions qui relèvent autant de l’éthique que de la science : peut-on créer un double d’un être humain en copiant son esprit sur un disque dur, comme un vulgaire logiciel ? Le personnage virtuel obtenu est-il doué de conscience ? Et finalement tout cela est-il moral ?
Dépaysant, écrit dans une prose fluide, Zendegi ne m’a cependant pas réellement captivé. L’histoire avance assez lentement, et la plongée dans la vie quotidienne de Téhéran est tellement profonde que l’auteur perd parfois un peu de vue la science-fiction. Quant à l’Iran d’aujourd’hui, c’est encore loin d’être le pays où une une technologie comme le PCH a le plus de chances d’apparaitre. Mais demain ?
Ma note : 3 sur 5