Silo, de Hugh Howey

Note : cette critique porte sur la série Silo constituée de 3 livres


Silo

Voici l’un des premiers grands succès de l’édition électronique. Silo a en effet démarré sur internet, plus précisément dans la librairie numérique que le supermarché Amazon a créé pour fournir du contenu à sa liseuse électronique Kindle. Sur cette plateforme, les auteurs peuvent proposer directement leurs oeuvres aux lecteurs, notamment en fixant le prix eux-mêmes, et éviter ainsi l’obstacle traditionnel que l’éditeur représente dans le monde du livre papier.

Hugh Howey n’est pas écrivain de profession. Sa biographie officielle le présente comme une sorte d’aventurier habitant sur un bateau puis revenu à terre. J’imagine plutôt quelqu’un qui découvre, à l’approche de la quarantaine, que la vie sans attaches a toute de même quelques inconvénients. Toujours est-il que sa carrière littéraire a commencé par l’écriture d’une série de nouvelles qui, vu leur succès, ont été regroupées dans un seul livre. L’auteur en a vendu les droits pour la version papier, ce qui permet maintenant de trouver aussi ce roman dans les librairies traditionnelles.

L’histoire de Silo se déroule dans un futur indéterminé, sur une Terre où une catastrophe globale a rendu la planète invivable. L’atmosphère est devenu toxique, détruisant toute vie. Quelques centaines d’humains survivent pourtant, sous terre, dans une base calfeutrée où absolument tout est recyclé, même les corps des personnes décédées. Les habitants du silo n’ont qu’un seul contact avec la surface : des caméras, qui leur renvoient l’image d’un paysage désert et empoisonné.

Les habitants sont soumis à des règles strictes : ils ne peuvent avoir d’enfant comme ils le désirent, afin d’éviter la surpopulation. Et ils ne doivent jamais émettre le souhait de sortir du silo. Tout écart est puni de mort, mais la sentence est exécutée par bannissement : le condamné est expulsé en surface, où il ne tarde pas à succomber à la pollution. Toutefois, son espérance de vie étant de quelques minutes, on lui demande d’employer ces brefs moments à… nettoyer les caméras qui filment l’extérieur. Ce que, curieusement, la plupart font, résignés. Mais certains s’interrogent : et si on leur mentait ? Et si cette vie souterraine cachait quelque chose ?

Dans la première partie du roman, Hugh Howey décrit avec force détails la psychologie des personnages, leur frustration, leur vie sans espoir, les maigres joies apportées par une loterie. Mais rapidement, le ton change. L’histoire devient plus fluide à la lecture, mais moins originale. Certaines mauvaises langues disent qu’on reconnait là le moment où le texte a recontré du succès sur Kindle. L’auteur aurait alors écrit plus pour ses ventes que par inspiration… Reste que le roman devient plus convenu, et la fin de l’histoire manque d’originalité. Un livre parfait à lire sur une plage, mais qui laissera un peu le fan de SF sur sa faim.

Silo doit être prochainement adapté au cinéma par Ridley et Tony Scott.

Ma note : 3 sur 5


Silo, Origines

Après Silo, succès commercial qui laissait toutefois beaucoup de questions sans réponses, voici le préquel, Silo : Origines, qui comme son nom l’indique se déroule avant les évènements du premier livre.

Nous sommes en 2049. Donald Keene, 35 ans, ancien architecte, vient d’être élu député grâce à l’appui du sénateur Thurman. Ce dernier lui demande en retour de l’aider sur un projet ambitieux : concevoir un immense abri anti-atomique, qui sera construit en plusieurs exemplaires à côté d’un site de stockage de déchets nucléaires. L’objectif officiel n’est pas qu’ils servent un jour, mais de sensibiliser les esprits aux problématiques écologiques. En guise de motivation, et peut-être aussi pour le surveiller, Thurman fait aider Donald par Anna, sa fille et ex petite amie du héros.

Le député se consacre à cette tâche pendant trois ans, imaginant un bâtiment souterrain si grand qu’il serait « la plus haute tour du monde s’il était construit à la surface ». Thurman lui fait également lire “l’Ordre”, un livre assez obscur qui détaille, apparemment, la façon de s’organiser pour survivre en milieu confiné. Mais le jour de l’inauguration du site, en plein milieu de la cérémonie, Atlanta, la ville voisine, subit une attaque nucléaire. Des milliers d’invités se précipitent dans les silos dont les portes se referment derrière eux.

Parallèlement à ce premier récit, on découvre celui de Troy, un personnage qui s’avère rapidement n’être autre que Donald lui-même, mais cinquante ans plus tard, en 2110. Le silo numéro 1, où il se trouve, est en effet équipé de systèmes de cryogénisation : le personnel dort pendant des décennies, puis est réveillé à intervalles réguliers pour une période de 6 mois. Seuls les hommes travaillent, les femmes et les enfants restant endormis en permanence. Les autres silos, au contraire, sont mixtes et les habitants, qui ne sont jamais cryogénisés, y naissent, vivent et meurent.

Mais s’il est possible de communiquer par radio avec eux, on ne peut pas s’y rendre. Car à l’extérieur, l’environnement est devenu mortel. Toute sortie d’un silo est impossible. Exception faite des humains enterrés, la vie sur Terre a disparu.

Le temps passe et Donald, brisé, découvre que dans la confusion initiale, sa femme est entrée dans un autre silo, y a vécu et fondé une famille avec son meilleur ami. Mais il réalise également peu-à-peu qu’il est manipulé par Thurman. Il n’est qu’un pion dans une machination étalée sur plusieurs siècles. S’il veut survivre, il doit en comprendre le but ultime.

Disons le toute de suite, Silo : Origines est beaucoup plus réussi que le premier volet. Hugh Howey a travaillé son intrigue et distille un suspens beaucoup plus angoissant : le lecteur ressent la claustrophobie de la vie dans le silo, de même que la souffrance d’un homme qui se réveille dans un futur infernal, des années après la mort de sa famille. Dans le silo, il n’y a pas d’amis, seulement des survivants qui sont tous suspects.

L’auteur construit son récit sur des concepts originaux, comme l’effacement des souvenirs et les nanos-machines, des petites mécaniques microscopiques capables, au choix, de tuer ou de soigner leur hôte. Il répond à certaines questions posées dans le tome 1, mais pas toutes. Avec la survie, l’autre thème principal du livre est la manipulation, qu’on retrouve partout : le changement de nom des personnages, le décor conçu pour décourager les habitants du silo d’en sortir (comme le paysage extérieur visible à la cafétéria), l’isolement volontaire des populations, et le « reset » de celles qui deviennent trop curieuses, etc.

Toutefois, certains chapitres sont de qualité inégale : une partie du récit se déroule dans un autre silo et nous fait découvrir Mission, un personnage dont les aventures trainent en longueur et n’apportent rien à l’intrigue, au point que j’ai même eu du mal à ne pas décrocher. Heureusement, l’histoire principale reprend et maintient l’intérêt du lecteur jusqu’à la fin.

J’ai aussi trouvé quelques situations incohérentes : comment Donald peut-il prendre la place de Thurman alors qu’après sa première faction, il doit nécessairement être connu de beaucoup de monde ? Pourtant personne ne le reconnait. Par ailleurs, un siècle après avoir été isolés, les habitants des silos semblent ne manquer de rien : nourriture, mais aussi papier, crayons, etc. On veut bien croire que l’agriculture est possible en autarcie dans des fermes hydroponiques, mais comment fabriquer ou réparer tous les objets du quotidien dans un espace aussi réduit que le silo ?

Silo : Origines, c’est aussi une réflexion sur la vie confinée, et sur le fonctionnement d’un groupe humain. Beaucoup de fantasmes s’y trouvent illustrés : le vrai pouvoir se cache, les habitants ne doivent pas avoir connaissance de la réalité, etc. Pour survivre, la société souterraine imaginée par Hugh Howey doit répondre à cette question : comment manipuler des milliers de personnes pendant plusieurs siècles sans qu’ils s’interrogent et se révoltent ?

Ma note : 4 sur 5


Silo : Générations

Après Silo et Silo : Origines, voici le troisième et dernier tome de la saga, Silo : Générations. Chronologiquement, alors que le deuxième livre se déroulait avant le premier, le troisième suit le premier. Oui, je sais, vous n'y comprenez rien, alors disons simplement que Silo : Générations achève le récit.

Replongeons nous donc dans l’histoire du deuxième livre. Pardon, du premier. Juliette est devenue maire du silo 18. Elle fait creuser un tunnel jusqu’au silo 17 et sauve Solo et les enfants qui y étaient prisonniers. Mais son principal objectif est la destruction du silo 1, celui qui contrôle tous les autres.

Donald, lui, est condamné à une mort lente du fait des nanos-machines qui infestent son corps. Il se fait passer pour Thurman et essaye d’aider le silo 18, quitte à entrer en conflit avec Juliette. Avec sa soeur Charlotte, la pilote de drone, il découvre que le nuage mortel de nano-machines ne s’étend que dans un périmètre limité. Au delà, la Terre est intacte et parfaitement habitable.

Malheureusement, Thurman, le vrai, bien qu’ayant été tué par Donald, a ressuscité grâce à l’aide des nanos-machines qui ont « reconstruit » son corps. Il capture Donald et libère le gaz contenant des nano-machines tueuses dans le silo 18…

Le point fort de Silo : Générations, c’est ses personnages : Hugh Howey évite le manichéisme traditionnel chez les auteurs anglo-saxons, et nous délivre un récit plus humain, plus authentique : ce n’est pas la lutte des « gentils contre les méchants », mais celle d’êtres humains pour échapper à une terrible machination. On remarque par exemple que Juliette déteste Donald, alors que dans un récit simpliste ils auraient été alliés. Quant à Donald lui-même, c’est un demi-héros : un homme normal qui parvient du fait des circonstances à jouer un rôle de premier plan, mais sans briller pour autant.

Un bon point aussi pour la narration, directe et facile à lire. L’action est continue, et les 432 pages défilent vite.

Par ailleurs, que représentent les silos, au-delà du roman ? On peut y voir une sorte de parallèle avec un état préoccupé uniquement par ses problèmes intérieurs, une métaphore de l’isolement physique ou intellectuel de la société moderne. Le plan de Thurman est aussi révélateur de l’absence d’empathie dont font preuve certains dirigeants : peu importe les souffrances imposées aux autres si elles servent leur desseins personnels.

Mais l’histoire en elle-même est un peu trop torturée. Personnellement j’ai un peu de mal avec le personnage de Thurman, censé disparaitre et qui revient d’entre les morts. Le prétexte des nano-machines donne un peu trop de liberté au scénario, au détriment de la crédibilité de l’histoire.

Quant au final, son côté « happy end » décevant fait trop penser à Hollywood. Hugh Howey pense peut-être à l’adaptation ciné de son livre, mais pas le lecteur qui aurait préféré que cette partie soit un peu plus fouillée et non expédiée en cinq pages.

Et puis il y a cette impression que beaucoup de questions restent sans réponse claire. Je n’ai personnellement toujours pas compris clairement le but de la création des silos. Sans compter qu’on ignore le sort réservé aux autres.

Hugh Howey conclut ainsi une grande saga, et s’affirme comme un auteur de SF à part entière. C’est aussi une grande victoire pour l’auto-édition, qui prouve qu’elle peut faire émerger de véritables talents. Le thème de Silo, la vie souterraine, est plutôt original et traité avec la dose de suspens et de rebondissements qui convient. Mais la complexité de la chronologie et le côté « mal achevé » de l’histoire gâchent un peu l’ensemble.

Ma note (pour Silo : Génération seulement) : 3 sur 5

Ma note (pour la série Silo dans son ensemble) : 4 sur 5