Janus, d’Alastair Reynolds
Qu’est-ce qui est le plus dur pour un auteur de science-fiction moderne ? Sans doute imaginer un scénario auquel ses prédécesseurs n’ont pas déjà pensé. Car reconnaissons qu’après des décennies de nouveautés, les récits actuels ont souvent un air de déjà-vu. C’est pourquoi j’ai été intéressé par Janus, particulièrement original à en croire le résumé en quatrième de couverture.
L’auteur ? Alastair Reynolds, un anglais, pardon… gallois, né en 1966. Il est l’auteur du Cycle des inhibiteurs et de l’Espace de la Révélation (2000). Comme Stephen Baxter, il est classé comme auteur de « Hard SF », c’est-à-dire qu’il s’attache à donner une base scientifiquement crédible à son intrigue.
Venons-en au livre lui-même. L’action démarre en 2057, lorsqu’un phénomène étrange se produit. Janus, satellite de Saturne jusque-là considéré comme naturel, quitte brutalement son orbite et prend la direction de l’étoile Spica. A sa surface, les télescopes discernent des structures qui apparaissent sous la glace, révélant qu’il s’agit en fait d’un énorme (190 km) objet artificiel déguisé. De plus sa vitesse s’accroît sans arrêt, au point qu’il risque d’être rapidement hors de portée.
Un seul vaisseau spatial est suffisamment proche pour tenter de le rattraper : le Rockhopper, spécialisé dans l’exploitation minière des astéroïdes et autres comètes. Sa commandante, Bella Lind, reçoit pour instruction d’explorer l’objet brièvement avant de revenir sur Terre. Après consultation de son équipage, le Rockhopper se lance à la poursuite de Janus.
Malheureusement, alors que la cible se rapproche, la responsable de la propulsion Svetlana Barseghian découvre que le système informatique du Rockhopper a été manipulé à distance depuis la Terre, de façon à surestimer les réserves de carburant. Pour elle le mobile est clair : le vaisseau n’avait pas l’autonomie suffisante pour atteindre Janus puis revenir sur Terre, et on a donc délibérément sacrifié la vie des 150 mineurs sur l’autel de l’exploration spatiale. Mais Lind refuse de la croire et continue la mission.
Arrivé à proximité de Janus, l’équipage découvre que la gravité de l’objet entraine le vaisseau avec lui dans sa course, et qu’il n’y a pas moyen de lui échapper. Lind déclare qu’il faut abandonner tout espoir de retour et propose de s’établir sur le pseudo satellite. Mais tout le monde n’est pas de son avis et une mutinerie éclate…
Janus est un space opera facile à lire car très linéaire : pas de flash-back ni de fils narratifs croisés. Année après année, on suit le combat pour la survie d’un petit groupe d’humains dont le destin est dans les mains d’une civilisation d’extra-terrestres qu’ils ont baptisés « spicains ».
D’emblée, une petite critique sur l’année de départ du récit, trop proche à mon avis : on a peine à croire qu’en 2057 on pourra construire un vaisseau spatial de 50.000 tonnes. Reynolds est un peu optimiste pour un livre paru en 2005. Personnellement j’aurais situé le roman un siècle plus tard. Mais ce n’est qu’un détail.
Si les protagonistes sont peu fouillés, c’est tous le contraire pour Bella Lind et Svetlana Barseghian, dont la relation passe de l’amitié à la haine lorsque des choix cruciaux s’imposent. Bella, notamment, apparait comme dépassée par les évènements, tandis qu’à l’inverse, Svetlana se révèle en prenant en main le destin de la colonie. Leur comportement et la peinture de leurs sentiments, typiquement féminins, tranchent avec la SF traditionnelle, plus « masculine », où l’accent est souvent mis sur la violence, l’individualisme, etc.
Côté science, les effets relativistes sont bien décrits, notamment ceux de la vitesse : si un voyageur se déplace presque aussi vite que la lumière, ou bien séjourne près d’un objet très massif, son temps propre se ralentit par rapport à celui de la Terre, un phénomène illustré dernièrement dans le film Interstellar. Cela renforce le côté dramatique de l’histoire : après quelques années sur Janus, les naufragés du Rockhopper savent que plusieurs siècles ont passé sur Terre, et qu’ils ne reverront jamais leurs proches.
Toutefois, soyons clairs, j’ai été déçu par ce roman. L’auteur suscite la curiosité en maintenant un voile sur les mystères de Janus. Mais au fur et à mesure que l’histoire avance, l’attente grandit et, malheureusement, la déception est grande : les réponses n’arrivent pas, et le roman n’ayant à ma connaissance pas de suite prévue, on reste sur sa faim. La ficelle apparait alors un peu grosse. Plutôt que de s'embêter à donner une cohérence à son récit, Reynolds n’explique tout simplement rien du tout. Une fin bâclée pour un roman jusque-là prometteur.
Ma note : 2 sur 5