Seul sur Mars, d’Andy Weir

L’autoédition a de l’avenir : après Silo de Hugh Howey, voici un nouveau succès d’un écrivain découvert par l’Internet.

Andy Weir était programmeur lorsqu’en 2012 il achève l’écriture de Seul sur Mars, et le publie sur Kindle. Comme il l’explique lui-même sur son site, le succès ne vient pas immédiatement. Puis d’un seul coup, les ventes s’envolent et la même semaine, un éditeur et un producteur d’Hollywood lui proposent de lui racheter ses droits pour une publication « papier » et le tournage d’un film. Une histoire qui n’a donc pas manqué de m’intéresser.

Seul sur Mars nous conte les aventures de Mark Watney, biologiste et astronaute de la mission Arès 3. Dans un futur assez proche, les Etats-Unis ont décidé de coloniser la planète rouge. Watney y débarque avec cinq coéquipiers, dont deux femmes, pour une mission censée durer 30 jours martiens, appelés « sols ». Mais au bout de seulement six jours, une violente tempête de sable menace de détruire le VAM (Véhicule d’Ascension Martienne), unique moyen de rejoindre Hermès, leur vaisseau spatial resté en orbite. Une évacuation d’urgence est décidée, au cours de laquelle l’américain est frappé par un débris qui perce sa combinaison spatiale. Le croyant mort, ses camarades l’abandonnent et repartent vers la Terre.

Watney reprend ses esprits et découvre qu’il est légèrement blessé, mais que son sang coagulé et durci par le froid martien a bouché providentiellement le trou du scaphandre. Il est désormais seul sur Mars, et dispose d’équipements et de vivres pour 300 jours. Malheureusement, la mission suivante, Arès 4, ne doit arriver que quatre ans plus tard. Comble de malchance, il ne peut plus communiquer avec la Terre, la tempête ayant détruit la radio. Il doit donc trouver le moyen de survivre sans aide extérieure. Et pour cela il dispose seulement de son ingéniosité, d’un optimisme sans faille et d’un sacré sens de l’humour.

En refermant ce livre, une comparaison s’impose : l’histoire évoque un mélange de Robinson Crusoë et de MacGuyver, le tout dans un contexte beaucoup plus difficile. Mark Watney affronte le redoutable environnement martien : – 40°C le jour, – 80°C la nuit, pas d’oxygène, pas d’eau, une pression atmosphérique très faible (6 millibars contre 1015 sur Terre), et de temps en temps une tempête. Il ne peut se fier totalement à son matériel, car très vite des incidents interviennent, et le service après-vente est inconnu sur Mars…

La surface de Mars, un lieu propice à la méditation (crédits : NASA)

L’astronaute doit alors faire appel à des trésors d’ingéniosité, qui se multiplient au fil des pages : détournement de matériel, bidouilles innombrables, manipulations chimiques (vitales mais basiques, car comme il le dit lui-même, sa spécialité c’est la biologie), et même de la jardinerie, le tout justifié par des calculs, hypothèses et démonstrations les plus divers. Watney est contraint à un travail permanent et épuisant : il démonte les rovers, les voitures martiennes, effectue des centaines de sorties en scaphandre, se déplace sur des milliers de kilomètres, dort dans des espaces confinés, etc.

Le compte-rendu de ses activités est présenté sous forme d’un journal de bord dans lequel, malgré son combat quotidien, le naufragé ne se prend pas au sérieux. Toutefois sa lecture est parfois pénible, car vous conviendrez que la modification d’un recycleur d’air passionne les geeks mais beaucoup moins le lecteur moyen. Andy Weir multiplie donc les procédés narratifs pour maintenir l’attention : journal écrit à la première personne, puis description classique à la troisième, puis mélange des deux, flashbacks, commentaires en italique façon article de journal, etc. Du coup les 400 pages du livre défilent très rapidement, et le suspense est entretenu par les multiples incidents auxquels Watney doit faire face.

Le roman n’est pas à proprement parler un huis-clos, d’une part parce que Watney dispose d’une planète pour lui tout seul, mais aussi parce qu’il n’est pas le seul protagoniste : on suit également les efforts du personnel de la NASA sur Terre pour le recontacter et tenter de le ramener en vie. Malheureusement, ces personnages n’ont aucune épaisseur ; on connait leur nom et rien d’autre, un point clairement décevant.

Côté réalisme, l’auteur s’est bien documenté et rien ne choque a priori un passionné d’astronomie et de conquête spatiale comme votre serviteur. Je suis cependant dubitatif sur la tempête de sable censée menacer le VAM au début du roman : l’atmosphère martienne étant très ténue, même un vent de 175 km/h n’exerce qu’une pression très faible sur les objets et on voit mal comment il pourrait renverser un véhicule de 12 tonnes. Quant aux multiples calculs que fait Watney avec des volumes d’oxygène ou des puissances électriques, il faudra les prendre pour argent comptant car je vois mal comment les vérifier.

L’aventure elle-même est-elle possible ? Qu’en est-il de l’exploration de Mars par des hommes ? Beaucoup de scientifiques et de politiciens la promettent régulièrement « pour dans 30 ans ». Mais vu les coûts faramineux, les risques potentiels et les retombées économiques discutables, il est probable qu’elle restera pour longtemps encore entièrement automatisée. Il y a bien un projet de colonisation à moyen terme, Mars One, mais le fait que le voyage soit sans retour fait surtout penser à une opération publicitaire douteuse.

Au final, Andy Weir nous propose un livre original, réaliste, doté d’un héros à la personnalité attachante même si parfois la description des bricolages peut lasser. Un roman parfait pour les longues soirées d’hiver, et surtout une réussite pour un écrivain débutant.

Seul sur Mars sera adapté à l’écran par Ridley Scott. La sortie du film est prévue pour septembre 2015 avec Matt Damon dans le rôle de Mark Watney.

Ma note : 5 sur 5